Une course ouverte
Plusieurs concurrents pouvaient légitimement
briguer la succession de Varenne et chaque club de supporters pouvait
y croire. Ainsi, dans l'ordre des préférences du public,
pouvait-on croire en Général
du Pommeau, pas dangereux dans les préparatoires mais
auteur à chaque tentative de bonnes fins de courses, et que
Jules Lepennetier disait aussi bien qu'en 2000, en Insert
Gédé, lauréat du prix de Bourgogne et
auteur lui aussi de brillantes lignes droites dans les autres préparatoires,
en Fan Idole, la dernière tombeuse
de Varenne, qui avait joué la carte la fraîcheur, n'ayant
pas couru depuis fin décembre, en Gébrazac,
brillant lauréat du prix de Belgique, mais en partant au
1° poteau, en Gigant Neo, le 2°
atout de Stefan Melander qui restait qui trois succès impressionants
à Vincennes, ou encore en Scarlet Knight,
trotteur au palmarès déjà impressionnant mais
qui n'avait pu montrer quoi que ce soit sur notre sol. Des autres
il n'était que peu question. Tout juste remarquait-on que
Jos Verbeeck avait été annoncé en dernière
minute au sulky d'Abano As; pas de quoi
en faire un scoop, le driver belge étant quelque peu boudé
ces derniers temps.
Les clubs de supporters s'étaient déplacés
comme d'habitude désormais, mais seuls ceux de Général
du Pommeau et Insert Gédé
étaient présents en masse, ayant chacun mobilisés
plus d'un millier de fans. Quant aux autres ils n'étaient
représentés que par quelques petits groupes. Curieusement,
on croisait assez peu de scandinaves dans les tribunes. Cette journée
commençait assez mal, puisque la météo se montrait
peu clémente, un crachin se mettant à tomber pour
ne plus cesser durant les heures qui suivirent.
Après un défilé de "bikers" (une
soixantaine) et celui, plus traditionnel, de la Garde républicaine,
le public put assister à 3 courses de belle facture en guise
d'apéritif. A 15h15, sur une piste devenue collante, les
champions commencèrent à entrer en piste pour le défilé.
La course
Chacun craignait le départ, se souvenant
de la mésaventure de l'année dernière. Mais,
ô surprise, le premier fut le bon. Fidèle à
son habitude, Jos Verbeeck fit bondir Abano
As en tête, mais laiissa rapidement passer Scarlet
Knight qui allait adopter sa tactique favorite : la course
en tête. A l'extérieur Général
du Pommeau n'était pas loin avec Fan
Idole 3° épaisseur. Devant les tribunes, entendant
les clameurs du public, Scarlet Knight se
mit à tirer et Stefan Melander voulant le reprendre, il se
mit à la faute en plaine. Ce fut un peu la panique en tête,
car Abano As se retrouva un court instant
devant malgré lui mais Général
du Pommeau le relaya très rapidement, menant alors
à une allure modérée avec Gigant
Neo venu à son extérieur, Fan
Idole se trouvait encore en 3° épaisseur et vint
sur la première ligne mais fut contrée. Très
peu à l'aise sans doute en raison du terrain, elle n'eut
pas les moyens de réagir et resta là avant de perdre
des rangs progressivement à partir de la mi-montée.
Pendant ce temps, Gigant Neo prit la
tête et Jules Lepennetier, de peur de se retrouver enfermé,
déboita pour se porter à son extérieur tandis
que Gébrazac revint lui aussi
sur les leaders, à l'extérieur. Dans le dernier tournant,
le suédois accentua son pressing et aborda le ligne droite
en tête, décrochant les deux "G", tandis
qu'Insert Gédé, venu à
l'extérieur mais toujours à l'abri, se rapprochait
très fort. A ce moment-là, seuls ces deux trotteurs
semblaient encore en course pour la victoire. Derrière eux,
Abano As, après avoir "sucé
les roues" toujours placé juste derrière le leaders
suivait toujours le suédois. Il déboita à mi-ligne
droite et prit bientôt l'ascendant tandis qu'Insert
Gédé, tout en poussant à droite -ce
qu'il avait tendance à faire depuis un moment dans le parcours-,
finissait de plus en plus fort. Le poteau arriva et le partenaire
d'Yves Dreux ne put remonter l'Allemand. Jos Verbeeck laissa éclater
sa joie; il venait de remporter son 4° prix d'Amérique,
avec un 4° cheval, dans une période creuse où
les succès se faisaient plus rare, étant beaucoup
moins en vogue auprès des professionnels. Derrière
eux, Gigant Neo, valeureux, conservait
facilement le second accessit tandis que Général
du Pommeau résistait au retour d'Energetic,
excellent à ceniveau après une course d'attente. On
trouvait ensuite Flambeau des Pins,
assez bon finisseur après avoir suivi
Insert Gédé dans la montée, Legendary
Lover K, Fan Idole, dominée
depuis la montée, et Hilda Zonett,
à la fin de course assez bonne sans être dangereuse.
On notera les malheurs d'Ipson de Mormal,
accroché avec Fan Idole dans
la montée et encore gêné dans la linge droite
et dans une moindre mesure de Jackhammer
derrière son compagnon d'écurie. Gébrazac
avait faibli dans le dernier tournant.
Sur une piste pénible, on a marché 1'15"1, égalant
le record.... du prix de Cornulier !
Analyse
Quels enseignements peut-on tirer de la courses
? Ce fut une course tactique, sans aucun doute. Le chrono moyen
en témoigne, le terrain collant ne le justifiant pas complètement.
A ce jeu-là Jos Verbeeck s'est montré le meilleur,
ce n'est pas une surprise. Même s'il faut un peu de chance
dans ces cas-là, en courant caché. Mais s'il en faut
souvent, il faut savoir la provoquer. En cas d'échec on est
traîné dans la boue -racontant sa course avec Sea Cove
dans l'édition 94, où il avait gagné d'une
encolure après une course folle où il avait pris 40
mètres d'avance, il avait dit : "tu sais, si j'avais
été battu d'un nez, on aurait dit que j'étais
le dernier des c..", mais il faut savoir prendre des risques
calculés et le belge sait le faire à merveille. Il
faut noter qu'il n'était pas favori et n'avait donc rien
à perdre. Ceci dit, Abano As,
n'est pas n'importe qui. S'il est vrai qu'il a fait une année
2002 en demi-teinte, il faut se souvenir qu'il fut considéré
comme un grand champion à 3 et 4 ans, remportant notamment
le prix Orsi Mangelli, le Grand Prix de l'U.E.T. et le Critérium
Continental à Vincennes. Il venait d'amorcer un retour en
forme dans une course facile en Italie, il ne lui reste plus qu'à
confirmer son retour parmi l'élite.
Quant à Insert Gédé,
la déception était grande chez les Mayennais. Le cheval
était le meilleur ce jour-là et il aurait sans doute
gagné sans problème s'il n'avait penché à
droite depuis un moment. Et être battu de si peu est toujours
rageant. Yves Dreux n'a rien à se reprocher, son cheval ayant
eu un bon parcours. Le driver mayennais a fait bonne figure après
la course fêtant même dignement la performance de son
champion aux vestiaires et accueillant très sportivement
Jos Verbeeck, mais on sentait que le coeur n'y était qu'à
moitié. Certains ont pleuré après une telle
mésaventure, comme me le racontait Gérard Mascle dimanche
soir en se remémorant son inoubliable ligne droite dans le
prix d'Amérique 75 où il ne fut battu avec Axius que
dans les tous derniers mètres par la fusée américaine
Delmonica Hanover. Le fils de Jet du Vivier aura encore plusieurs
occasions de remporter le titre suprême, si tout va bien.
Général du Pommeau a quelque
peu déçu. Mais on sait qu'il préfère
nettement avec l'âge venir de derrière, ce qui n'a
pas du tout été le cas. Le terrain peut aussi l'avoir
un peu handicapé.
Fan Idole a eu un mauvais parcours.
Mais elle a faibli très tôt, beaucoup trop tôt
pour que cette performance reflète véritablement sa
valeur. Jument nerveuse, près du sang, elle perd parfois
ses moyens en course. Mais là tout semblait aller pour le
mieux; elle était calme avant la course, et le départ
s'est bien déroulé. La piste pénible l'a-t-elle
contrariée, comme le prétend Richard-William Denéchère
? C'est fort possible et c'est en tout cas l'explication la plus
plausible. Nous lui donnons donc rendez-vous pour le prix de France,
comme l'année dernière, avec nos espoirs entiers,
même si on peut être déçu pas ces adieux
manqués à la grande épreuve.
On faisait grand cas des deux suédois et compagnons d'écurie
Scarlet Knight et Gigant
Neo. Le premier a déçu, se montrant une nouvelle
fois fautif après avoir beaucoup tiré, semble-t-il
affolé par les clameurs du public. Sa valeur ne fait pas
de doute, mais il va falloir trouver un moyen de canaliser cette
énergie sinon il aura du mal à tenir un bon niveau
international sur des distances longues ou moyennes. Le second a
en revanche confirmé les bonnes impressions laissées
lors de ses précédentes prestations sur le plateau
de Gravelle. Il a prouvé qu'il était du niveau des
meilleurs.
Gébrazac était très
en vue avant la course mais n'a pu participé à l'arrivée.
Chacun sait que ce trotteur a une pointe terrible lorqu"il
peut venir de derrière. Or dimanche son driver a attaqué
très tôt et son partenaire a nettement faibli dans
la ligne droite. Est-ce seulement dû à la tactique
employée ? Peut-être, mais on le sait la critique est
aisée mais l'art est difficile, surtout dans une épreuve
comme celle-ci où la pression est énorme. Garder sa
lucidité dans cette course spéciale demande un sang-froid
supérieur à la moyenne.
Quant à Ipson de Mormal, il semble
revenir en forme, ayant été très malheureux
dans la grande épreuve. Il ne serait pas surprenant de la
voir disputer l'arrivée lors d'un prochain grand rendez-vous.
En conclusion, même si on peut être
déçu par ce prix d'Amérique, les chevaux en
vue étant battus, qui plus est dans un temps plutôt
médiocre, il faut considérer cette édition
comme celle d'une transition entre l'époque Varenne-Général
du Pommeau et la nouvelle vague dont les éclaireurs étaient
les deux représentants suédois. Parmi les 18 compétiteurs
8 étaient âgès de 9 ans et +, c'est peut-être
un record. Il y a fort à parier que le majorité des
compétiteurs de l'édition 2004 sera différente
de celle de 2003.
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